C’est dans ce paysage emblématique de notre société de consommation moderne que se tient ce week-end le troisième Plastic Hacker Space Festival, PHSF pour les habitués. Un événement qui décline durant deux jours et demi le hacking dans différents domaines, comme un pied de nez à notre frénésie d’achat. Point de locaux rutilants mais le sous-sol d’un bâtiment désaffecté et réinvestit par le /tmp/lab, le premier hackerspace parisien qui organise l’événement.
Assise sur un matelas à même le sol, Laura dynamite avec humour l’image de la ménagère. Admettons que la ménagère, entre une quiche et une lessive, ait une soudaine pulsion. Et bien elle n’aura qu’à l’assouvir à l’aide du sex toy bidouillé par Laura. La jeune fille, étudiante aux beaux-arts de Toulouse et qui a rejoint le Tetalab, un hackerspace basé à Toulouse sur les bons conseils d’un professeur, est partie d’un constat simple : le silicone sert autant à fabriquer de coûteux sex-toy que des accessoires de cuisine et tous deux utilisent les mêmes couleurs. Remplacez les œufs par un vibreur récupéré sur une manette, le lait par du fil conducteur doublé de coton et zou vous avez un sex toy prêt à dégainer. “All the ways to realize all your phantasms…”, n’est-ce pas le slogan du PHSF ? Laura, qui s’est déjà fait remarqué pour un -faux- projet de baisodrome public sur le modèle du Velib qui lui a valu un procès de la mairie, a poussé le détournement jusqu’à proposer des sex toys en forme de préparation culinaire : d’une bande de plaque pour cuisson découpée sur la longueur et pliée en triangle, elle fait un samoussa coquin. Et franchement, enroulé comme un bout de ruban, qui se douterait de son utilisation ? Pas belle-maman le dimanche quand elle vient causer à sa bru. Un gant Mappa peut tout aussi bien faire l’affaire. S’inscrivant dans la tradition féministe, Laura y ajoute sa touche de hacking humoristique. Je ne sais pas ce que vous en pensez mais pour moi, mais ça ferait un cadeau d’anniversaire sympa pour une copine. Pour l’heure, ces jouets ne sont malheureusement que des prototypes.
À l’autre bout du sous-sol, Guiral s’active avec une poignée de participants pour installer un réseau de WiFi mailé. En clair, au lieu d’être obligé de passer par le nœud central d’une box, avec ce que cela implique de limites, on accroît la capacité du réseau en installant des relais. Esprit hacker oblige, les relais en question sont des routeurs WiFi Fonera détournés de leur usage initial. Bref, le moyen idéal pour “développer à moindre coût une infrastructure en partageant les connections”, explique Guiral. On décrit souvent le hacker comme un être solitaire mais ce jeune cadre dans l’industrie nucléaire souligne le plaisir qu’il a eu à se retrouver au /tmp/lab pour y rencontrer des personnes partageant comme lui le même goût pour la résolution en commun de problème, les échanges et l’apprentissage dans les deux sens, tu m’aides sur ce point, je te renvoie la balle sur celui-là, les amitiés nouées. Et preuve s’il en est, il est revenu pour le festival de Normandie, où il travaille maintenant.
Au centre de la pièce et de ces workshops, la RepRap est reine. Cette imprimante 3D assistée par ordinateur, low cost et open source, qui fleurit dans les fab/lab et autres usinettes, est autoréplicante, c’est-à-dire qu’elle peut se fabriquer elle-même, entre autres, à partir de plastique ABS. À l’aide d’une perceuse, Sigolène est ainsi en train de finir les pièces d’une nouvelle machine. Il faut aussi les ébavurer à l’aide d’un cutter très fin. Elle est venue ici pour apprendre à en faire une et monter ensuite son projet de design, des prothèses de corps avec de l’électronique. En face d’elle, Cécile prépare d’autres pièces, récupérées cette fois-ci, la RepRap ne fabrique pas encore d’objets en métal… Cette artiste numérique a une autre visée : fabriquer des mini-sculptures en numérique 3D qu’elle fera muter ensuite en objet matériel et ainsi de suite, chaque passage provoquant des déformations sur les figurines. “Une réflexion sur la frontière entre analogique et numérique : la bascule de l’un à l’autre n’est pas transparente”, explique-t-elle. Une réflexion qui fait écho à ce que certains présentent parfois comme la prochaine révolution, l’Internet des objets.
Si dans ce royaume du DIY (Do It Yourself), la société de consommation en prend indirectement pour son grade, on ne vit pas non plus que d’amour et d’eau fraîche. Le MakerBot, une imprimante issue de la reprap, sans l’aspect autoreplicant, nourrit quelques personnes : “Il a dû s’en vendre 2.000″, avance John, cofondateur de Hackable device, une société de distribution spécialisée, on s’en doute dans le matériel pour hacker. “Assez pour vivre et faire les cons avec ça”, précise-t-il tout en surveillant la fabrication d’un buste de Beethoven. Parce que ce ne serait pas trop hacker de se faire un paquet de blé et de finir triste à mourir. Ou alors c’est qu’on vire Steve Jobs et qu’on n’est plus un hacker.
Plus ou moins prégnant selon les projets, le politique pointe le bout de son nez. Stop ACTA, logiciels libres…, les capots des ordinateurs sont bien souvent envahis d’autocollants dénotant un engagement pour certaines valeurs. Au détour d’une conversation, le discours se fait plus fort. Enseignant en physique-chimie à la retraite, Gérard aime l’idée de “transformer la société par la technique, seul ou en communauté. On sort du système industriel en reprenant la maîtrise des outils de production.” Un fort parfum marxiste… Sans aller forcément jusque-là, l’inventivité des hackers est une invitation à tourner sept fois son tournevis dans sa poche avant d’acheter un nouvel objet prêt à l’emploi.
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Crédits photo flick’r CC : kryptyk, Davide Restivo, °°°paula°°°
]]>“Dans la prochaine révolution industrielle, les atomes seront les nouveaux bits“
En janvier 2010, Chris Anderson, rédacteur en chef de Wired et auteur de La longue traîne, tentait ainsi de résumer la révolution en cours du Do It Yourself (DIY, Faites-le vous même, en français). Après avoir considérablement contribué à développer, et démocratiser, ce que l’on appelait au siècle dernier la “micro-informatique“, puis l’internet, hackers et bidouilleurs s’attèlent aujourd’hui à la fabrication et au développement de nouveaux objets, “libres“.
Chris Anderson évoque ainsi la Rally Fighter, la première voiture de course “open source” (ses spécifications sont “libres“), développée de façon communautaire, en mode “crowdsourcing” (du nom donné au fait d’utiliser la créativité, l’intelligence et le savoir-faire d’un grand nombre d’internautes).
Pour lui, c’est une véritable révolution, non seulement industrielle, mais également dans le rapport que l’on entretient avec les technologies, les objets. Pour Marten Mickos, ex-PDG de MySQL, cette révolution porte encore bien plus sur ce que peuvent faire les êtres humains entre eux, dès lors qu’ils se mettent en réseau :
“Auparavant, les gens collaboraient dans leurs villages. Aujourd’hui, le village, c’est la planète. Ça a débuté avec le développement de logiciels libres et open source, mais c’était une pure coïncidence : les développeurs de logiciels ont été les premiers êtres humains à véritablement embrasser l’internet.
N’importe quel autre groupe peut aujourd’hui connaître de tels bouleversements : on commence à le voir avec des journalistes, chercheurs, hommes politiques, professionnels de la santé, et aujourd’hui avec des fabricants de voiture…”
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Dans les années 50, l’expression Do It Yourself était utilisée pour qualifier ceux qui ne voulaient pas se contenter de consommer, mais également d’améliorer ce qu’ils avaient acheté (maison, voiture et autres biens de consommation).
Dans les années 60-70, l’essor de la contre-culture et des mouvements de refus de la société de consommation lui donnèrent une tournure plus politique, renouant avec les valeurs anti-industrielles prônées par le “mouvement des arts et métiers” de la fin du XIXe siècle (voir Houellebecq et les Fab Labs).
Aujourd’hui, le DIY est aussi un marché, et même une industrie : magasins, livres, émissions de télévision et magazines de bricolage, jardinage, décoration, cuisine… à quoi il faut rajouter, ces dernières années, le succès de places de marché comme etsy.com, qui permet à ses utilisateurs de vendre les objets qu’ils ont fabriqué (et à certains d’en faire leur métier).
La démocratisation (et la baisse des prix) des technologies a fait exploser l’offre et la demande de kits et composants permettant de créer ses propres robots, drônes et autres gadgets.
L’envol des valeurs du “Libre” (logiciels libres et open source, Creative Commons, réseaux sociaux et web 2.0) se traduit également aujourd’hui dans la démultiplication des Tech Shops, HackerSpaces, Fab Labs… lieux physiques où hackers et bidouilleurs peuvent partager outils, composants et compétences. À ce jour, on dénombre 45 FabLabs, dans 16 pays (de Jalalabad en Afghanistan à Medellin en Colombie en passant par le Kenya, les USA et les Pays-Bas), et près de 340 hackerspaces actifs, plus 259 autres en préparation :
Le magazine Make, créé par O’Reilly en 2005, et les Maker Faire, lancés dans la foulée pour réunir, et célébrer, les adeptes du DIY, constituent la partie la plus visible du phénomène. Le nombre de sites web, de projets mais également d’approches pratiques de la question est tel qu’il est impossible d’en résumer la diversité.
On peut, par contre, en proposer un bref tour d’horizon, augmenté de nombreuses vidéos, afin de se faire une petite idée de ce qui est en train de se tramer, en ce moment, dans les garages des hackers du XXIe siècle.
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Papas geeks, hackers décidant de modifier leurs matériel en profitant de leurs compétences logicielles (voir Hackers et sans complexe), universitaires créant des Fab Labs pour apprendre aux gens à créer leurs matériels par eux-mêmes, plutôt que d’avoir à les acheter… on est bien loin des bricoleurs du dimanche, et plus proches des bidouilleurs de l’internet des objets, de ces néoObjets du futur qui pourraient bien changer la nature de nos objets, sinon de la société.
Le phénomène commence d’ailleurs à se structurer, y compris d’un point de vue théorique, avec notamment la rédaction d’une définition de ce que peut et doit être un “matériel libre” (Open Source Hardware, en VO). Les projets, tout comme les objets, ne sont pas tous stricto sensu “open source“, mais la quasi-totalité proposent un mode d’emploi permettant de les refabriquer, et de plus en plus nombreux sont ceux qui partagent toutes les sources, schémas, firmware, logiciels, nomenclatures, listes de pièces, dessins, manuels et modes d’emploi de sorte que tout un chacun puisse les recréer, voire en commercialiser des projets dérivés, à la manière des logiciels libres et open source.
En 2008, le magazine Make avait répertorié 60 projets de matériel (hardware) “open source“. Fin 2009, il en dénombrait 125, répartis en 19 catégories. En 2010, il a arrêté de les compter.
On y trouve bien évidemment des imprimantes 3D permettant de créer toutes sortes de pièces et objets en plastique, silicone ou epoxy, de la célèbre RepRap, conçue pour pouvoir s’auto-répliquer jusqu’à la jolie petite MakerBot (649 dollars) en passant par la luxueuse Fab@Home (à partir de 1950 dollars), qui entend “démocratiser l’innovation“.
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À quoi servent-elles ? À créer des petites pièces en plastique, coques ou socles d’iPhone, briques et roues de LEGO, circuits électroniques personnalisés, bracelets, petits jouets ou personnages, pièges à souris (qui ne tuent pas les souris), toutes sortes de petits gâteaux ou chocolats (voir la galerie de Fab@Home), et même des auto-portraits en 3D…
Arduino, utilisé par des milliers d’artistes, ingénieurs, designers et passionnés désireux de créer des objets ou environnements interactifs, indépendants, reliés à des capteurs ou des ordinateurs, est probablement le projet le plus avancé, c’est en tout cas le plus vendu (plus de 100 000 unités – à partir de 20 dollars), et cloné, entraînant également un certain nombre de projets dérivés permettant d’y interfacer de la musique, une connexion internet ou encore un signal GPS.
À quoi ça sert ? À créer des interfaces tactiles, jeux en 3D, petits robots, exosquelettes, imprimantes thermiques, des vitrines interactives réagissant aux mouvements des passants, systèmes permettant d’alerter les clients de ce que vient de cuire un boulanger, robots serveurs dotés de capteurs afin d’ajuster le volume d’alcool à servir au taux d’alcoolémie des clients, des chapeaux interactifs vous punissant si vous ne souriez pas ou inspirés du casque des Daft Punk, un jeu vidéo permettant de contrôler une vraie petite voiture sur un vrai circuit…
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Dans le Top 40 des projets Arduino compilé par HacknMod, on trouve aussi toutes sortes d’objets truffés de Leds, un capteur de pollution, une pédale “low teck” pour guitare électrique, un piano de poche, un robot qui lit votre fil RSS, une machine à café contrôlée par Wiimote, des drônes et voitures télécommandées, une harpe laser (voir aussi cette liste de projets sur le site d’Arduino).
Les objets DIY ont aussi parfois une dimension culturelle, sinon politique. On connaît le TV-B-Gone, télécommande universelle dotée d’un seul bouton, le “OFF“. On peut l’acheter tout fabriqué (25 dollars), mais aussi en kit (22 dollars, tout de même), tout comme Wave Bubble, un brouilleur de téléphones portables, ou encore le BeDazzler, conçu pour se moquer des autorités américaines qui avaient dépensé 1 millions de dollar pour concevoir une nouvelle arme non létale, le Dazzler, censée rendre les gens malades grâce à des flashs lumineux. Sa réplique open source, créée par l’incontournable Lady Ada (qui vend se qu’elle crée sur Adafruit), a coûté moins de 250 dollars…
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Le DIY permet aussi de faire des économies d’énergie, qu’il s’agisse de jauger la charge d’électricité d’une batterie, de fabriquer son propre chargeur USB pour téléphone portable ou lecteur MP3, ou encore de communiquer, par téléphone, SMS ou Twitter avec… des plantes vertes, afin de savoir quand elles ont besoin d’eau, ou quand elles en ont trop (BotaniCalls & GardenBot).
De son côté, le projet re:farm the city s’est donné pour mission de fournir logiciels et matériels libres aux “fermiers des villes” afin de promouvoir l’auto-production locale, et l’agriculture bio, en milieu urbain.
La culture DIY étant essentiellement affaire de geeks, il était normal d’y retrouver un certain nombre de jeux, plus ou moins électroniques, tel Drawdio, un crayon qui joue de la musique lorsqu’on dessine, une “Brain Machine” créée par Mitch Altman, l’inventeur de la TV-B-Gone, qui mixe musique et flashs lumineux pour vous aider à méditer (existe aussi en version toute prête : Trip Glasses).
On peut aussi trouver des modes d’emploi pour se fabriquer des vélos en bois, en bambou, électriques ou dotés d’un sidecar, une machine à laver open source fonctionnant à l’énergie solaire, une maison faite avec 6 millions de bouteilles vides (en 19 ans), des prothèses open source, et même un restaurant open source, lancé au début du mois de juillet afin de “digérer la culture libre de l’internet“, et qui a été pensé, fabriqué et lancé à partir de modes d’emploi disponibles sur instructables.com, l’un des sites de référence de la culture DIY, avec make:, ou Thingiverse.
En France, le /tmp/lab et ses Hackers Space Festivals ont redonné au terme “hacker” sa connotation positive de bidouilleur de génie, et contribué à l’essor et à la reconnaissance des hacklabs (à noter que son Plastic Hacker Space Festival se tient du 29 au 31 octobre 2010).
Hackable:Devices, à la fois boutique en ligne de matériel libre, et communauté fédérant 500 utilisateurs actifs (hackers, créateurs, fabricants, investisseurs), s’est de son côté donné pour objectif de “libérer les appareils (pour) libérer la créativité des hackers, leur donner autant de contrôle que possible afin qu’ils ne perdent pas leur temps dans l’ingénierie inverse et se concentrent sur la création pure“. MadeInFr.org, plus technique, veut de son côté regrouper les contributions de bidouilleurs, électroniciens, et du “DIY français“.
Babozor, dans sa Grotte du Barbu, contribue lui aussi à démocratiser le phénomène, expliquant que l’on peut tout hacker, du métro parisien au vieux PC , transformé en BarBQ grâce à un caddie de supermarché, et qui passe allègrement des nouvelles technologies au kitchen hacking, pour faire de la bière, un gâteau au chocolat sans four et de la crème au beurre à la perceuse…
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Semageek, de son côté, regorge d’infos et modes d’emploi permettant, notamment, de recycler une vieille machine à écrire en clavier USB, de transformer une brosse à dent en robot, de modifier un téléphone portable pour démarrer sa voiture à distance, de bricoler voiture pour la piloter depuis un iPhone, de créer une veste interactive permettant de “transformer sa copine” en manette de jeux vidéos tout en la massant… ou de relier un pour capteur de gaz à un kit Arduino pour changer de chaine de TV “chaque fois que vous pétez“.
Les deux derniers exemples sont choisis à dessein : d’aucuns les considéreront (avec raison) comme de mauvais goût. Mais là n’est pas la question : ces objets modifiés, augmentés, hackés, détournés, l’ont été parce que les bidouilleurs en avaient besoin, mieux : parce qu’ils en avaient envie, et que ça leur faisait plaisir, même si ça ne sert à rien. Leurs bidouilles ne relèvent pas tant de l’économie de marché (même si tous ces objets ont un coût) que d’une volonté d’indépendance, et de s’amuser.
À l’ère de la bidouillabilité, définie par Tristan Nitot comme la “capacité – pour un objet technique ou un outil – à être détourné de sa fonction première en vue d’essayer de lui trouver de nouveaux usages“, la profusion de projets, et d’objets, issus de la culture DIY, et des valeurs des hackers, dessine un Nouveau Monde où, à la manière des transformations à l’œuvre dans le web 2.0, de nouveaux modèles économiques émergent, et qui reposent, non pas sur la “vente” d’un produit, mais sur la “participation” à son élaboration, création, fabrication, modification…
On a coutume de décrire les créateurs de startups sous le forme de jeunes geeks équipés de portables, dans une chambre d’étudiant ou un garage. L’image vaut aussi aujourd’hui pour ceux qui vont bouleverser l’industrie, la création et la distribution de produits physiques. Des machines industrielles qui coûtaient auparavant plusieurs centaines de milliers de dollars peuvent aujourd’hui être achetées pour quelques milliers, voire fabriquées pour quelques centaines seulement.
Comme le souligne Chris Anderson, “n’importe quel garage est une usine high tech potentielle. Marx aurait été content“. Je ne sais si Marx l’aurait vraiment été, mais Anderson l’est très certainement. DIY Drones, un portail communautaire qu’il a lancé afin de développer des drônes pour pas cher, a généré un chiffre d’affaires de 250 000 dollars la première année, les 2/3 à l’export, et il espère atteindre le million d’ici trois ans.
Ses principaux concurrents ? Lockheed Martin et Boeing, dont il divise les coûts technologiques par 10, essentiellement en économisant sur les brevets et la propriété intellectuelle, en crowdsourçant la recherche et développement, tout en s’affranchissant de la bureaucratie, des commerciaux, communicants, bureaux, usines… la production des étant externalisée dans un TechShop du Colorado.
Dans son article sur ce qu’il qualifie de “nouvelle révolution industrielle, Chris Anderson résume la situation d’une phrase : “si ces 10 dernières années ont permis la découverte et l’émergence, sur le web, de nouveaux modèles sociaux post-institutionnels, les 10 prochaines années les verront s’appliquer dans le monde réel” :
L’internet a démocratisé la publication, la diffusion et la communication, ce qui a eu pour conséquence d’accroître de façon massive le degré de participation et de participants dans le monde digital -la longue traîne des bits.
La même chose est en train de se produire en terme de fabrication – la longue traîne des objets. Le web n’était qu’une démonstration de faisabilité (proof of concept, en VO). Maintenant, la révolution va aussi toucher le monde réel.
Cette façon de créer, en réseau, en partageant avec les autres méthodes, schémas et réalisations, sur le modèle des logiciels libres et open source (voir La cathédrale et le bazar), procèdent aussi de cette démocratisation de l’innovation évoquée par Eric von Hippel, pour qui “il y a 2 à 3 fois plus d’innovations de la part des consommateurs qu’il n’y en a dans l’industrie“.
En attendant de connaître la portée d’une telle “révolution“, et des créations (d’objets, mais également d’entreprises) qu’elle entraînera, on voit bien bien que désormais, après la nature (le jardinage), le bricolage (objets réels), le numérique (données et programmes), voici venu le temps des objets hybrides, à la fois réels (voire biologiques) et numériques.
Tout cela reste encore un peu technique, mais c’était aussi ce que l’on disait, dans les années 90, quand des myriades d’internautes ont commencé à créer leurs propres sites web, sans formation ni école, mais en bidouillant à partir de ce que les autres avaient fait. La question reste de savoir si, tout comme on est passé du langage HTML 1.0 aux technologies et usages du web 2.0, le DIY dépassera le seul stade de la “bidouille” pour accéder au grand public et permettre aux gens de se réapproprier les objets, de les améliorer, de les partager aussi.
C’est tout l’enjeu du Web², ce “web à la puissance 2” qui, après avoir déplacé les utilisateurs au cœur du système (le Web 2.0), veut exploiter l’intelligence collective des capteurs et des données. La question est donc aussi de savoir si on fera de cet ”internet des objets” un ”internet du peuple”.
& rendez-vous au Plastic Hacker Space Festival, au /tmp/lab à Vitry-sur-Seine, du 29 au 31 octobre 2010, ou encore au make art, festival des arts et technologies libres, du 4 au 7 novembre 2010 à Poitiers.
Voir aussi l’excellente présentation de Jean-Michel Cornu sur La fabrication numérique :
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Billet initialement publié sur InternetActu
Image CC Flickr rileyporter
Affiche en Une de Stéphane Jungers téléchargez-la !
Retrouvez les autres articles notre dossier hackerspace #thsf :
Au Tetalab Hacker Space Factory, le courant alternatif passe
Les fab labs ou le néo artisanat
]]>“All the ways to realize all your phantasms”
Cet accomplissement, contrairement à ce que les non-initiés pensent parfois, est parfaitement légal et ne passe pas forcément par du trifouillage de machines. Il s’agit davantage d’une philosophie générale de vie transdisciplinaire :
Nous sommes dans une démarche d’ouverture au public, de décomplexion des gens face à la technologie et d’exploration des pratiques et domaines, qu’ils soient en lien ou non avec les nouvelles technologies
détaille Philippe Langlois, membre fondateur du /tmp/lab. Un programme éclectique donc, qui mêle conférences et ateliers : de l’art avec des installations sonores, des performances, des projections de films, du droit – et oui la loi se hacke -, de l’urbanisme, la question des genres sexuels, etc. ” Un mix qui attirera un public varié, “des chercheurs du CNRS comme des lycéens, des chômeurs, des entrepreneurs, des ingénieurs, des gens qui ne se sont pas forcément dans le domaine informatique. Et il y a plus de femmes qui organisent le PHSF cette année que d’hommes, nous essayons de ne pas être dans ce biais masculin”, tient-il à préciser.
S’il n’est pas nécessaire d’être adepte des technologies, “le noyau dur, c’est l’esprit Fab Lab“, poursuit Alexandre Korber. Loin des longs process de réalisation de l’industrie classique, les Fab Lab sont des ateliers couplant machines et ordinateurs pour fabriquer des objets en mode agile. On pourra ainsi voir des réalisations du projet Usinette, qui est l’équivalent version objet du hackerspace. Par exemple, RepRap, une imprimante 3D low cost, sous logiciel libre bien sûr, entrera en action. Cela vous semble abstrait ? Et bien sachez que cet outil peut servir à concevoir… un sex-toy.
Si les activités présentées ne risquent pas d’envoyer leurs auteurs en prison, il émane tout de même un parfum potentiellement dérangeant. Philippe Langlois détaille :
On ne dit pas non plus que tout notre discours est accepté. Quand tu vois que le sampling est encore interdit dans la création musicale, oui effectivement, on se bat contre certaines idées rétrogrades. Nous vivons dans un pays où Hadopi est promulguée alors qu’on sait que c’est inefficace, il faut quand même dire les choses. Le hacking n’est pas nécessairement à la marge, il se fait à la marge mais il définit des objets, des concepts et des manières de faire et d’utiliser la technologie pour qu’ils deviennent grand public.
Le hacking de façon générale a une dimension politique en ce que sa pratique interroge notre société, et remet parfois ses fondements en cause. Fabriquer soi-même (plutôt qu’acheter), l’un des credo du hacking, constitue une démarche éminemment politique qui renvoie entre autre à la question de la (dé)croissance, du développement durable, etc. Une conférence creusera particulièrement cet aspect.
Ce qui fait tout l’attrait du hacking est que cette portée politique peut très bien cohabiter avec le ludique. “On peut traiter des sujets sérieux, voire grave sans pour autant être embêtant”, rappelle Philippe Langlois, citant les Yes Men, ces activistes maniant l’art du “prank” (canular, en bon français).
Le succès des deux précédentes éditions du PHSF et l’activité des hackers français montre que la France se met au bidouillage, en dépit d’une culture a priori moins favorable à son développent, selon Philippe Langlois :
Tous les pays du monde sont des terres de hackers, après c’est son acceptation en temps que changement social qui varie selon les pays. La France étant dans une tradition des grandes écoles, si tu n’es pas sorti de l’école, tu n’as pas le droit. Si on attend le changement des gens qui ont tout et ne veulent rien changer, cela ne fonctionne pas trop. Alors naturellement, la France n’était pas un lieu où les innovations apportées par cette nouvelle lecture étaient appréciées. Après, on ne peut pas lutter contre les idées dont le temps est arrivé.
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Bonus : si votre mère ne comprend pas ce qu’est le hacking, Dédée, Dolorès et Gisèle donnent leur définition :
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> Le site du Plastic Hacker Space Festival
> Le site du /tmp/lab
> Affiche Denis Mareau ; image de une CC Flickr
> Illustration CC FlickR opacity
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