OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Voir la mauvaise Corée http://owni.fr/2012/04/16/cartographier-la-mauvaise-coree-du-nord/ http://owni.fr/2012/04/16/cartographier-la-mauvaise-coree-du-nord/#comments Mon, 16 Apr 2012 15:07:32 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=105998

Extrait d'une image satellite du camp de Yoduk. © 2011, DigitalGlobe, Inc

Officiellement, les camps où sont enfermés les prisonniers politiques nord-coréens n’existent pas. Le régime rejette le terme “prisonnier politique” en guise de réponse. Vus de l’espace pourtant, des camps ont pu être identifiés par des organisations de défense des droits humains, Amnesty International en partenariat avec l’American Association for the Advancement of Science (AAAS).

Six camps ont été localisés grâce à des images satellites à ce jour. Six camps disséminés sur le territoire de Corée du Nord, principalement dans le Nord. Les associations ont recoupé avec les témoignages de survivants, graciés ou échappés. L’un d’eux est en France pour la première fois cette semaine.

Contrôle révolutionnaire

Kim Tae-Jin a été libéré du camp de Yodok il y a 20 ans. Il est resté quatre ans dans la section dite de contrôle révolutionnaire, dédiée aux peines inférieures à 10 ans. Dans les sections de contrôle total, les prisonniers sortent les pieds devant ou s’en s’échappent. Ils y purgent des peines à perpétuité. Aujourd’hui, Kim Tae-Jin milite au sein de l’ONG Free the NK Gulag pour que le régime nord-coréen reconnaisse l’existence de ces camps et pour qu’il les ferme.

Les chercheurs de l’AAAS se sont inspirés d’une précédente étude, rédigée par le Comité américain pour les droits humains en Corée du Nord (HRNK), explique Susan Wolfinbarger, responsable du programme. En 2003, l’organisation avait identifié sept camps en Corée du Nord à partir d’images satellites haute-résolution fournies par les satellites QuickBird de la société Digital Globe et IKONOS de Space Imagine Corporation.

Les images étaient ensuite présentées à des survivants. De la confrontation émerge une carte. La méthode est un exemple de “Participatory-GIS” (ou système d’information géographique participatif en français). L’AAAS a suivi la même méthode. Susan Wolfinbarger détaille :

Amnesty nous a demandé d’analyser les localisations et AAAS a obtenu et observé les images, certaines étant inédites. Étonnamment, nous avions quelques images nouvelles de ces camps.

Elles ont été commandés à trois entreprises d’imagerie, deux américaines (DigitalGlobe et GeoEye) et une israélienne (ImageSat). Les satellites utilisés ont des résolutions allant de 0,50m pour le satellite World-View 2 de DigitalGlobe à 0,82m pour IKONOS de GeoEye.

Esclavage

Depuis l’espace apparaissent des camps étendus sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Selon l’association Free The NK Gulag, le camp de Yoduk s’étend sur 20 km en largeur et 35 en longueur, le tout divisé entre les sections de contrôle révolutionnaire et de contrôle total. Au sol, Kim Tae-Jin a connu le travail forcé et les mauvais traitements. Amnesty dénonce des conditions “proches de l’esclavage”. Kim Tae-Jin se souvient :

Nous devions accomplir des tâches contre notre gré en suivant les ordres des gardiens. Et ce, même quand notre état physique ne nous le permettait pas. Les enfants ou les personnes âgées aussi devaient travailler. L’âge ne changeait rien à la rudesse des tâches. Il y avait beaucoup de familles en vertu du principe de culpabilité par association, beaucoup d’innocents.

La culpabilité par association. Le délit concentre les critiques des défenseurs des droits humains. En vertu de ce principe, toute personne dont un membre de la famille est arrêté peut être poursuivie. “Dans le camp, les familles vivaient ensemble dans des bâtiments séparés” raconte Kim Tae-Jin. “Aujourd’hui, ce n’est plus le cas”. Lui était avec les personnes seules, dans de grands dortoirs.

Les jours sont rythmés par le travail. Avant le lever du soleil, les prisonniers sont rassemblés, comptés et envoyés dans les champs, pour ceux qui ont des tâches agricoles.

Après quelques heures, on nous donnait un petit déjeuner : du maïs concassé, parfois du riz, parfois une soupe avec du chou. Les quantités étaient très faibles. Pour manger de la viande, il fallait attraper des rats, des grenouilles ou des serpents. C’était des moments de joie, mais il fallait pour ça déjouer la surveillance.

Kim Tae-Jin décrit un système de gardiens organisés, segmentant le camp en plusieurs sous-sections et les prisonniers en équipes. La culpabilité par association s’applique aussi à l’intérieur du camp. Lorsqu’un membre d’une équipe est pris en faute, l’ensemble de l’équipe est puni. La torture y était courante.

Dong-Hyuk Shin s’est échappé du camp de Gaechon en 2005. Il y a subit des tortures à plusieurs reprises, phalange coupée, brûlures, coups. D’autres survivants racontent des exécutions publiques, notamment à Yodok. Amnesty International estime que 200 000 prisonniers politiques sont aujourd’hui enfermés dans les camps de Corée du Nord.


Illustrations : images satellite © 2011, Digital Globe Inc. Portrait de Kim Tae-Jin, CC by-nd Pierre Alonso

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[application] DespoticMind: qui bafoue les droits de l’homme ? http://owni.fr/2010/09/13/application-despoticmind-qui-bafoue-les-droits-de-l-homme/ http://owni.fr/2010/09/13/application-despoticmind-qui-bafoue-les-droits-de-l-homme/#comments Mon, 13 Sep 2010 16:52:02 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=27963 L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme publie aujourd’hui son rapport annuel, L’Obstination du témoignage. Plus de 500 pages racontant par le menu comment les puissants torturent, violent et frappent impunément les défenseurs des droits humains, un peu partout dans le monde.


La masse de données ne doit pas cacher les situations nationales, toutes particulières. Pour sortir d’un mode de pensée binaire où les gouvernements occidentaux s’opposent aux gouvernements voyous, OWNI vous a mâché le travail et lu chacune des 63 fiches pays assemblées par l’Observatoire (programme conjoint de la FIDH et de l’OMTC).

Avec Despoticmind, vous devez retrouver les atteintes aux droits humains commises dans chaque pays suivant les règles d’un jeu de plateau connu.

Toutes les atteintes n’ont pas été répertoriées. Le gouvernement français, en particulier, mériterait de figurer dans le prochain rapport suite aux expulsions collectives de Roms qu’il organise. Si vous souhaitez proposer une atteinte (perpétrée en 2009), envoyez une courte description ainsi qu’un lien vers la source à nkb@owni.fr et nous l’ajouterons à la base de données.

Le serious game au service du journalisme

Pourquoi faire un jeu autour d’un sujet si grave ? En demandant aux utilisateurs de placer des pions symbolisant la torture ou l’esclavage sur un plateau, ne sommes nous pas en train de trivialiser ces crimes ?

Non, tout simplement. La banalité de l’horreur n’a rien de nouveau. Au contraire, en cherchant à simplifier les problèmes, les rédactions ont pris l’habitude d’appliquer les mêmes grilles de lecture à des situations complètement hétérogènes. Soudan = Guerre. Géorgie = Amie. Arménie = Amie aussi. Iran = On doit y aider les verts. Tunisie = Moins violent que l’Algérie. La liste des clichés avec lesquels on gave le téléspectateur serait sans fin.

C’est la raison pour laquelle la vision que nous avons de l’Afrique, par exemple, ressemble souvent à ça :

Despoticmind redonne toute leur place aux situations nationales. Nous cassons les modèles manichéens en remettant les faits au centre. Les problèmes du Gabon ne sont pas les mêmes que ceux de son voisin le Congo. Entre les grossières fausses preuves utilisées en Ouzbékistan et les moyens habiles de contrôle de la société civile par les ONG d’Etat en Azerbaïdjan, Despoticmind permet de saisir la diversité des moyens utilisés par les gouvernements lorsqu’il s’agit de piétiner les droits humains.

Le traitement de l’actualité par le jeu n’est pas nouveau. Wired s’était illustré avec Cutthroat Capitalism, où l’on rentre dans la peau d’un pirate somalien. De son côté, le site Newsgaming a produit September 12th, où l’on peut tirer les terroristes et les conséquences de la guerre en Afghanistan. Des chercheurs de Georgia Tech ont même écrit un livre, à paraître en octobre, sur l’application du jeu vidéo au journalisme.

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